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Birthing Tales Les récits de naissance

Jacques Guillemeau

The King’s Surgeon looks back over a career including normal and exceptional childbirths (1609)

Of the Happy Delivery of Women and Of the Feeding and Care of Children, from the Time of their Birth
Paris. Printed by Nicolas Buon, at the mont Sainct Hilaire at the sign of St. Claude. 1609
Jacques Guillemeau was a pupil of Ambroise Paré, and his Works on Surgery, written for young surgeons, were regularly reprinted until the middle of the 17th century. His treatises on obstetrics and paediatrics – which concern us here – were initially published separately (in 1609), and then, in 1620, revised and extended by his son Charles Guillemeau (a surgeon who later qualified as a physician). Jacques Guillemeau is looking back on a career of some forty years, treating rich and poor alike. In most chapters, he starts with general considerations, then cites specific cases either to support or to question commonly held views. He writes with the authority of a surgeon, giving us an interesting insight into his working relationships with physicians, midwives and apothecaries as well as with his peers. For example, we see evidence of a growing trend – among both physicians and patients – to summon particular surgeons known to be skilled in the art of delivery, such as Honoré or Guillemeau himself.

 

I have identified about 30 ‘birthing tales’ in Guillemeau’s work – an unusually high number in comparison with other obstetric treatises of the period. The only other similar figure is found in the writings of his contemporary, the midwife Louise Bourgeois. Although there may have been some professional rivalry between them, their writings share in common a recognition of the value of experience, and of the distinctive features which differentiate one pregnancy or birth from another. Guillemeau’s style tends to be plain and unsensational, as befits a work addressed to younger colleagues, but alongside his serious reflections – for example on correct professional behaviour – there are traces of a quick sense of humour. His own professional approach promotes caution and gentleness towards patients, and as befits a disciple of Ambroise Paré, Guillemeau respects Nature, and strives to work with it rather than to dominate it.

 

EDITION CITED

 

The translations are based on the 1620 edition (On Pregnancy and the Delivery of Women), to allow the inclusion of revisions and additions made by Charles Guillemeau to the original text of his father, Jacques Guillemeau.

 

I have regularly made a particular change to the punctuation of sentences. Guillemeau favoured the colon followed by a capital letter whereas I have followed modern usage, i.e. a fullstop to mark a change of sentence.
Le chirurgien ordinaire du roi, en fin de carrière, passe en revue de nombreux accouchements, tant normaux qu’exceptionnels (1609)

De l’heureux accouchement des femmes et De la nourriture et gouvernement des enfans, dès le commencement de leur naissance
A Paris. Chez Nicolas Buon, au mont Sainct Hilaire à l’enseigne S. Claude. 1609
Les Œuvres de chirurgie de Jacques Guillemeau (ancien élève d'Ambroise Paré, destinées aux jeunes chirurgiens, sont régulièrement réimprimées jusqu’au milieu du XVIIe siècle. Parmi ceux-ci, nous retenons ici les volumes sur la médecine obstétricale et pédiatrique qui ont paru d’abord à part, en 1609, et que son fils Charles Guillemeau – chirurgien qui est ensuite passé au grade de médecin - a revus et augmentés dès 1620. Jacques Guillemeau s’interroge sur une expérience acquise au cours de quarante ans, tant chez les pauvres que les riches. Si, dans la plupart des chapitres, il commence par des propos généraux, il cite souvent un ou plusieurs cas spécifiques soit pour démontrer le bien-fondé des idées courantes, soit pour remettre celles-ci en question. Il parle surtout en tant que chirurgien, nous offrant un aperçu des rapports entre ses confrères et médecins, sages-femmes et apothicaires. D’ailleurs, il est intéressant de noter que d’ores et déjà les médecins (ou parfois les parents de la parturiente) ont tendance à faire appel à tel out tel chirurgien connu pour l’art d’accoucher – tels Honoré ou Guillemeau lui-même.

 

Nous avons recensé une trentaine de ‘récits de naissance’ chez Guillemeau, chiffre exceptionnel par rapport aux traités d’obstétrique de la plupart de ses contemporains – à l’exception de Louise Bourgeois. Quelles qu’aient été les rivalités professionnelles entre ces deux personnages, ils sont intéressés tous les deux par l’apport de l’expérience, et par ce qui distingue telle grossesse, telle naissance de telle autre. Les récits de Guillemeau sont plutôt sobres, car il cherche surtout à instruire ses jeunes collègues, mais à côté de réflexions sérieuses - sur la déontologie professionnelle, par exemple - nous relevons parfois un piment d’humour malicieux. Quant à son approche professionnel, c’est l’appel à la prudence et à la douceur qui le distingue. En tant que disciple d’Ambroise Paré, Guillemeau respecte la nature, cherche à s’y plier plutôt que de s’y imposer brutalement.

 

L’ETABLISSEMENT DU TEXTE

 

Afin de rendre compte des ajouts que Charles Guillemeau a apportés au texte d’origine, nous citons le texte dans l’édition de 1620, qui s’intitule De la grossesse et accouchement des femmes. Nous avons modifié un élément de la ponctuation : Guillemeau favorise l’emploi des deux points suivis d’une majuscule pour signaler le début d’une nouvelle phrase. Nous avons suivi l’usage du français contemporain, à savoir un point au lieu des deux points.

 

1) Three cases in which physicians and surgeons were unable to detect a pregnancy

The unavoidable reliance in the Early Modern period  on outward signs of pregnancy could be misleading, so in a warning to young surgeons Guillemeau cites three cases where even experienced surgeons and physicians were mistaken. The first case is humorous, like a similar tale recounted by de Serres, but the second has tragic overtones since the young woman dies. However, the third returns to a comic vein with the woman obstinately refusing to believe what is happening to her, even when she is about to give birth. As often, Guillemeau concludes by exhorting young surgeons to exercise caution, insisting a surgeon must be careful of his good name.

p. 2

The surgeon must show due care and caution when establishing whether a woman is pregnant […]. We saw this in the case of Madame du Pescher who, to her great chagrin, produced only a bucket of water, although she was sure she was expecting a child. I saw the opposite thing happen in the case of the late Monsieur Marcel’s daughter. Four of the leading physicians of our time, and the same number of surgeons and two midwives all judged that she was not pregnant, yet when she died, I was charged with opening her body, and found that she was six or seven months pregnant.

 

And more recently a lady-in-waiting to Madame de Suilly was treated by the most expert physicians and surgeons of our age. From the third to the eighth month of her pregnancy, they prescribed enemas, potions, poultices, baths, injections, none of which caused her to menstruate, yet they did not consider her to be pregnant, for she herself swore she was not, and had no other sign of pregnancy, but rather appeared to carry a mole. Finally, in the ninth month, while she thought she was suffering from colic, she gave birth in a village to a fine daughter, yet even when she was in labour she maintained that she was not pregnant, just as she had done throughout her pregnancy. So if a surgeon is called upon, whether in a legal case or by a patient, to decide whether a woman is pregnant, he must think very carefully what answer he should give.

1) Trois cas où des médecins où des chirurgiens ne savent pas reconnaître une grossesse

Aux XVIe et XVIIe siècles, les indications d’une grossesse sont parfois peu fiables. Guillemeau met donc en garde le jeune chirurgien en citant trois cas où même des médecins et des chirurgiens expérimentés se sont trompés. Si le premier cas se prête au rire –  comme celui que racontera de Serres, le deuxième est plutôt tragique car Guillemeau raconte la mort de la jeune femme. Le troisième reprend, cependant, des allures comiques, car la femme refuse obstinémentde croire ce qui lui arrive même lorsqu’elle est sur le point d’accoucher. Guillemeau finit en prônant – comme souvent – la prudence : le chirurgien doit veiller à sa bonne réputation.

p. 2

Le Chirugien doit estre prudent et advisé lors qu’il voudra asseurer de la grossesse de la femme […]. Ce que Madame du Pescher nous a fait veoir à son grand regret, laquelle accoucha d’un seau d’eau, croyant asseurément estre grosse d’enfant : j’ay veu le contraire à la fille de feu Monsieur Marcel, laquelle fut jugée par quatre des premiers Medecins de nostre temps, et autant de Chirurgiens, et deux Sages-femmes n’estre grosse, neantmoins estant morte, à l’ouverture de son corps que je fis, fut trouvée grosse d’un enfant de six à sept mois.

 

Et de recente memoire, une femme de Chambre de Madame de Suilly a esté traictée par les plus experts Medecins et Chriurgiens de ce temps, qui luy ont ordonné depuis le troisiesme mois de sa grossesse, jusques au huictiesme Clisteres, Apostemes, Potions, Fomentations, Bains, Injections, sans luy pouvoir provoquer ses mois, sans pouvoir juger qu’elle fust grosse, asseurant elle-mesme qu’elle ne l’estoit point, sans en avoir aussi aucun signe, ains plustost d’avoir une Mole : En fin le neufiesme mois ayant opinion d’avoir une collique, accoucha en un village, d’une belle fille, opiniastrant mesme lors qu’elle travailloit n’estre point grosse, comme elle nous avoit tousjours  asseuré durant sa grossesse : Ainsi le Chirurgien estant appellé, soit en Justice, ou en particulier, pour juger de la grossesse de la femme, doit diligemment considerer quel jugement il en doit faire.

 

2) A woman carrying a mole thought she was about to give birth

Like various authors before him (including Joubert and Lemne), Guillemeau is inerested in moles, in part because they can easily be mistaken for a true pregnancy. However, unlike Joubert Guillemeau gives a totally serious account of the phenomenon.

p. 20

[…] Sometimes mistakes have occurred because some women have had moles which they took to be a child, so that at the end of nine months (which is the time women give birth) the woman would make an effort as though she were about to give birth. And nine months after this first attempt, they would again suffer similar pains, as I saw in the case of Madame de Chasteau-morant.

2) Une femme croit accoucher alors qu’elle ne porte qu’une môle

Comme plusieurs de ses précurseurs (dont Joubert et Lemne), Guillemeau est intéressé par les môles dont les symptômes se laissent parfois confondre avec ceux d’une vraie grossesse. Cependant,  à l’encontre de Joubert, Guillemeau se borne à un récit fort sobre. 

p. 20


[…] Aucunes ont esté trompées en ce que plusieurs femmes ont eu des moles, lesquelles on estimoit estre un enfant, d’autant qu’à neuf mois (qui est le temps d’accoucher) la femme faisoit un effort comme pour accoucher : et neuf autres mois apres elles avoient de semblables douleurs, ce que j’ay veu à Madame de Chasteau-morant.

 

3) A woman gives birth at eight months after her waters break

Guillemeau is trying to establish why some women suffer miscarriages or give birth prematurely. He quotes an unnamed woman whose waters broke at eight months, with her labour starting a few days later. He does not tell us whether the child survived; his interest here is solely in the pathology of the pregnancy.

p. 115

And now to treat of those things which are additional, I mean those which can grow and exist on or inside the womb, such as ulcers, hard tumours, or a growth of superfluous flesh, or a mole or a false product of conception retained in the womb, or also a great quantity of water. I saw this last in the case of a respectable woman, who, in her eighth month had her womb so full of water that the neck of the womb had to open to let it out. This happened, and the amount which came out was amazing. And six days later, she gave birth, the neck of the womb not having closed again.

3) Une femme accouche à huit mois après avoir évacué ses eaux

En établissant les raison pour lesquelles des femmes avortent, ou accouchent avant leur terme, Guillemeau cite une femme (qu’il ne nomme pas) dont les eaux se sont écoulées à huit mois, ce qui a déclenché l’accouchement quelques jours plus tard. Notons qu’il ne précise pas si l’enfant a survécu, car il s’intéresse plutôt à la pathologie de la grossesse.

p. 115

Et pour le regard des choses qui sont Annexes à la mere, j’entends ce qui peut estre creu et contenu en la matrice, ou dedans icelle, comme quelque aposteme, schirre, ou supercroissance de la chair : ou une mole ou mauvais germe contenu en icelle : Comme aussi grande quantité d’eaux, ce que j’ay veu depuis  peu arriver à une honneste Damoiselle, laquelle en son huictiesme mois avoit sa matrice si pleine d’eaux, que le col d’icelle fut contraint de s’ouvrir pour les vuider, ce qu’elle fist, en si grande quantité, qu’il est incroyable, et six jours apres accoucha, le col de ladicte matrice ne s’estant refermé.

 

4) Two cases of the waters breaking five to ten days before the birth

Guillemeau relates two births in which he observed an interval of some days between the breaking of the waters and the onset of labour. He gives more details in the first case, perhaps in part because it concerns a noble woman, but also in order to detail the symptoms which allowed him to arrive at his diagnosis.

p. 178

For there are some women whose waters break and empty copiously a long time before, even though they are not yet ready to give birth. I have seen this happen to a number of women, and recently to Mademoiselle Arnaut, who was six to seven months pregnant and suffered from a bad colic for nearly two months, with stomach pains every day at certain times. While she was at her residence in Andili she asked me to go and see her; she wanted to know whether I thought she should come to Paris, and I advised her she should, on account both of the great pains she was suffering and of the large size of her pregnancy, for I thought she might be carrying two children as she had done less than a year before.  When she reached Paris, her colic subsided to a degree, then shortly after this she released a bucket of waters without any pain, feeling as though she was no longer pregnant. Five days later she gave birth most happily to a fine daughter, with little pain, and losing very little futher waters.
I saw another lady who lost waters in abundance more than ten days before she gave birth. She did not take to her bed, but continued about her daily business. This should be carefully noted, so that we do not hasten the birth if pains do not follow of the kind which we have described as appropriate to childbirth.
 

4) Deux cas où des femmes perdent les eaux cinq à dix jours avant d’accoucher

Guillemeau raconte deux accouchements où il a noté un intervalle important entre la perte des eaux et le début du travail. S’il fournit nettement plus de détails dans le premier cas, c’est peut-être que parce qu’il s’agit d’une femme noble, mais il en profite pour dépouiller les symptômes  à partir desquels il a dû juger du cas.
 

p. 178

Car il se trouve des femmes, à qui les eaux sortent  et écoulent long temps auparavant et en grande quantité, qui ne sont prestes pour accoucher si promptement : ce que j’ay veu advenir à plusieurs femmes ; et de recente memoire à Madamoiselle Arnaut, laquelle estant grosse de six à sept mois, et travaillée d’une grande colique  qui luy dura prés de deux mois, qui la prenoit tous les jours à certaines heures : Estant en sa maison d’Andili me pria de l’aller veoir, pour avoir mon advis si elle devoit venir en ceste ville, ce que je luy conseillais de faire, tant pour les grandes douleurs qu’elle avoit, que pour son enorme grossesse, ayant opinion qu’elle pouvoit avoir deux enfans, comme elle avoit eu, il n’y avoit qu’un an : Estant arrivée à Paris, sa colique s’appaisa aucunement, peu apres elle vuida pres d’un demy seau d’eau sans douleur, estimant comme n’estre plus grosse : cinq jours apres accoucha d’une belle fille fort heureusement et avec peu de douleur, sans qu’il luy écoulast que peu d’eau. J’ay veu une certaine Dame, à laquelle quantité d’eaux s’écouloient plus de dix jours devant que d’accoucher, sans s’alicter, vaquant à ses affaires ordinaires. Ce qui est grandement à considerer, afin de ne precipiter l’accouchement, si les douleurs ne surviennent, et ne soient propres et telles que nous avons décrites pour accoucher.

 

5) A woman accused in law by her husband of being sterile nevertheless gave birth to a fine daughter

Guillemeau provides an interesting account of how surgeons and midwives were regularly required by courts to give evidence of virginity and sterility. In this case, the verdict leads to an operation being performed to pierce the woman’s hymen – yet she gives birth four months later, which proves that she was never sterile! The birth itself is recorded only briefly, since the episode centres on the difficulty the surgeon and midwife had in determining whether she was pregnant.

p. 193

In the year 1607, in the month of May, Monsieur de La Nouë, Surgeon of the King and registered at the Chastelet in Paris, was summoned to examine a young woman married to a goldsmith. Her husband had brought a case against her, before the Tribunal in Paris, claiming that she was not normally formed nor capable of marriage. As a result the midwife Germaine Hassa[r] was required to examine her together with de La Nouë. They discovered that the opening to the womb was covered by a tough, strong membrane, as thick as a finger, and the husband’s pudendum had been unable to penetrate it, which he had tried to do on a number of occasions, but had suffered a Paraphimosis. So they concluded that the husband had been justified in bringing the case against her, but that the problem could be cured.

 

Hereupon, the husband judged it appropriate to summon Monsieur de Leurye and Monsieur Pierre, both registered surgeons in Paris, and the three surgeons agreed to pierce the membrane, which was done. And the woman was treated and cured to the satisfaction of her husband, except that he was troubled by what de la Nouë had observed to him (that his wife’s womb was full), especially as she had gone off her food and was being sick every morning, which made him wonder if she could be pregnant. A midwife told him that it would be absolutely impossible for this young woman, aged eighteen, to be pregnant without her husband having penetrated her virginal cloister, and that just because he had knocked at the granary door could not have made her full. Monsieur Pierre was summoned back because of this disagreement, and he could not believe it, but judged, after having carefully considered the matter, that she was indeed pregnant. This was found to be true since (four months after the incision was made in the membrane) she gave birth quite happily and at full term to a fine daughter.

5) Une femme qui a comparu en justice, accusée par son mari de stérilité, accouche néanmoins d’une belle fille
 

Guillemeau fournit un récit intéressant de la façon dont chirurgiens et sages-femmes étaient régulièrement  appelés par les cours de justice pour juger des procès sur la virginité ou la stérilité. Dans ce cas-ci, le jugement donne lieu à une opération pour percer l’hymen de la jeune femme – et cependant elle accouche quatre mois plus tard, ce qui démontre qu’elle n’avait pas été stérile ! L’accouchement en lui-même ne mérite qu’une brève notice, car c’est la difficulté de juger d’une grossesse qui ressort de l’épisode.

p. 193

L’an 1607 au mois de May, Monsieur de la Nouë, Chirurgien ordinaire du Roy, et Juré au Chastelet de Paris, fut appellé pour voir et visiter une jeune femme Orphevresse, laquelle avoit esté adjournée par son mary, pour comparoistre devant l‘Official de Paris, portant l’exploict qu’elle n’estoit naturelle ny capable d’estre mariée: Occasion que Germaine Hassa[r] Sage-femme, fut appellée pour la visiter avec ledit de la Nouë. Il fut trouvé qu’en l’endroit de l’orifice exterieur de la matrice, il y avoit une membrane forte et dure, et si époisse que le doigt de la main, et moins le Pudendum du mary ne la pouvoit enfoncer, ayant essayé de ce faire plusieurs fois, luy estant à ceste occasion survenu un Paraphimosis. Et pour ce fut conclud que son mary avoit raison de l’avoir citée, mais que cela estoit curable.

 

Surquoy le mary trouva expedient d’y appeller Messieurs de Leurye et Pierre, Chirurgiens  Jurez à Paris, tous trois d’un commun advis conclurent de faire l’ouverture de la membrane, ce qui fut fait: et fut traittée et guarie, au contentement du mary, sinon qu’il estoit en doute de ce que ledit de la Nouë luy avoit dit et remarqué (que le ventre de sa femme estoit plein) d’autant qu’elle estoit degoustée, et vomissoit tous les matins: ce qui luy donnoit quelque soupcon de grossesse; sur quoy une Sage-femme luy dist, que c’estoit dire et juger l’impossible, que ceste jeune femme aagée de dix-huict ans, fust enceinte, sans que son mary eust entré dedans le cloistre virginal: et que pour avoir battu à la porte de la grange; qu’elle ne pouvoit estre pleine. A tel different Monsieur Pierre fut derechef appellé, lequel ne le pouvant croire, jugea, après l’avoir bien consideré, qu’elle estoit grosse: Ce qui fut trouvé veritable, d’autant que (quatre mois après l’incision faite) elle accoucha fort heureusement à terme, d’une belle fille.

 

6) A prompt surgical intervention ensures a successful delivery

Guillemeau  recounts how an operation saved the life of a poor woman, the neck of whose womb had been ulcerated and blocked  since her previous delivery. An astonishing number of famous medical people were involved in this case – seven physicians (two being Royal Physicians), four surgeons (all attached to the King or Queen) – thanks to the interest shown by Madame Scaron, the mistress of this farmwoman. The episode is a valuable example of positive collaboration between the different medical professionals, in a setting often dominated by heated rivalries.

p. 195

Mademoiselle Scaron  sent for me to attend one of her farmwomen who was pregnant and soon to give birth. For four or five years the neck of her womb had been so tightly closed,  the flesh adhering and joining together so that you could not even pass a small probe through it. This had happened as a result of a bad delivery, and in consequence the mouth of the womb had become ulcerated, and when the ulcers healed all the walls of the womb’s mouth had joined together, despite which she had managed to become pregnant. When her delivery was due, on the advice of Monsieur Riolan, Monsieur Charles, Royal Professors of Medicine, and Regents of the Faculty of Medicine in Paris, Monsieur Brunet, Monsieur Paradis, Monsieur Riollan, Monsieur Fremin, Monsieur Rabigois, and Monsieur Serre, Surgeon of Queen Marguerite, Monsieur Mitton, and Monsieur Choffinet, master barbers and surgeons of the King, and myself, an incision was made, by common consent, then the dilating Speculum was quickly applied so that all the scars were widened. This worked so well that three hours later she gave birth successfully.

6) Une prompte intervention chirurgicale permet un accouchement heureux

Guillemeau raconte une opération qui sauve la vie à une femme pauvre, dont le col de l’utérus était ulcéré et donc bouché depuis son précédent accouchement. Ce qui peut étonner, c’est le nombre de personnes fort renommées qui sont consultées - sept médecins (dont deux du roi) et quatre chirurgiens (tous du roi ou de la reine) - grâce à l’intervention de la maîtresse de la fermière, Madame Scaron.  L’épisode constitue un beau témoignage des échanges et de la collaboration dans un milieu souvent sujet à de fortes rivalités.

p. 195

Mademoiselle Scaron m’envoya querir, pour secourir une sienne fermiere, qui estoit grosse et preste d’accoucher, laquelle avoit depuis quatre ou cinq ans l’entrée du Col exterieur de l’amarry si exactement fermé, collé et joinct ensemble, qu’il estoit impossible d’y mettre une petite sonde ; ce qui luy estoit advenu pour un mauvais accouchement ; au moyen duquel l’entrée dudict Col de l’amarry avoit esté ulceré, et les ulceres cicatricées, et toutes les parois dudit Col unies ensemble, et toutesfois ne laissa d’estre engroissée. A l’heure de son accouchement, par l’advis de Messieurs Riolan, Charles, Professeur pour le Roy en Medecine, et Docteurs Regens en la Faculté de Medecine à Paris, Brunet, Paradis, Riollan, Fremin, Rabigois, et Serre, Chirurgien de la Royne Marguerite, Mitton, et Choffinet, maistres barbiers et Chirurgiens du Roy, et moy, on luy fit une incision, par le consentement de tous, puis soudain le Speculum dilatatoire fut si bien appliqué, que toutes les cicatrices furent eslargies. Ce qui succeda si heureusement, que trois heures apres elle accoucha facilement.

 

7) A stone injures the vagina as the baby is coming out

Guillemeau here repeats his advice to the younger surgeon to exercise great care, for example making sure that he does not mistake the bladder and its contents for the amniotic fluid in the womb. However, he adds the tale of a chance episode in which the mother was injured by the position of a stone just as the baby was in the vaginal passage. Even Guillemeau sometimes cannot resist adding in a good anecdote!
 

p. 203

Some women have suffered a mistake if the full bladder is taken to be the waters which surround the child, and it has led to the bladder being burst. This is something which merits serious attention.  The vagina can be blocked by growth of flesh, inflammation or a stone, and I saw the latter in the case of a well-born lady, who had a small stone in her vagina which caused her urine to be retained. When it was dislodged with a probe, she could urinate. However this stone appeared in the vaginal passage when the child was coming out, because of the length of time the baby’s head had been there, and the stone injured the vagina so that a weeping ulcer was produced, and it also made a small hole which her urine passed through for a long time without her being able to prevent it. This is a story which deserves to be noted.
 

7) Une pierre blesse le col de la matrice au sortir de l’enfant
 

Comme souvent, Guillemeau conseille avant tout une prudence extrême. Ainsi faut-il à tout prix éviter de confondre la vessie et les eaux amniotiques.  Cependant, l’histoire qui accompagne cette mise-en-garde raconte un incident fortuit, où la mère est blessée par une pierre au moment du passage de l enfant. Même Guillemeau est parfois séduit par le plaisir de raconter des cas singuliers!

p. 203

Quelques femmes ont esté trompées pour avoir pris ladite vessie ainsi pleine d’eau, pour les eaux qui se forment de l’enfant, ayant esté cause de faire crever ladite vessie. Ce qui est digne de grande consideration. Ledit col de la vessie peut estre bouché de quelque carnosité, inflammation, ou pierre, ce que j ‘ay veu à une honneste Dame s’estant presenté au col de sa vessie une petite pierre qui fut cause de luy retenir son urine, et luy ayant destournée par la sonde, urina. Neantmoins  ladite pierre se presentant de rechef dedans ledit col, lorsque l’enfant vint à sortir, pour la longue demeure que la teste dudit enfant fit audit passage, ladite pierre meurtrist de telle façon ledit col, qu’il s’apostuma et suppura, et fit un petit trou, par lequel elle a long temps rendu son urine sans la pouvoir retenir. Histoire digne d’estre remarquée.

 

8) A constipated woman is unable to give birth without the surgeons intervening
 

Although Guillemeau is surgeon to the King, he continues to treat other patients from all social groups, like the woman in this tale. Guillemeau expresses no repugnance at the basic physical intervention needed to save her life.

p. 204

I happened to be at the delivery of a poor woman who was ill and had not passed a motion for ten days. Her large intestine was so full and stuffed with excrement which was hard as a stone, that it was impossible to administer an enema. Before we could deliver her, we had to pull out all the excrement from the intestine, otherwise it would not have been possible to pull the child from her.

8) Une femme constipée ne peut accoucher sans l’intervention des médecins
 

Bien que Guillemeau soit chirurgien du roi, il continue à soigner des malades de toutes conditions, comme la femme qu’il cite ici. Il ne répugne pas à faire une intervention dégoûtante afin de lui sauver la vie. 

p. 204

Je me suis trouvé à l’accouchement d’une pauvre femme malade, qui n’avoit esté à ses affaires il y avoit dix jours, ayant le gros boyau si remply et farcy d’excremens durs comme pierre, qu’il luy estoit impossible de recevoir un clystere. Nous feusmes contraincts devant que de l’accoucher, de luy tirer tous les excremens qui remplissoient ledit gros boyau, autrement il estoit impossible de luy tirer son enfant.

 

9) Can baths or almond oil make labour easier?

Pregnant women and those caring for them have always been looking for ways to ensure an easier labour. In the Renaissance, the use of baths during pregnancy was a subject of controversy, but Guillemeau seems to accept their use as the end of the nine months approaches. He also allows himself to be guided by what he has seen – relying on experience  rather than book learning– in the use of a potion of almond oil, which eased the labour of one of his patients.

p. 204

Some practitioners do not hesitate to recommend that at the end of the ninth month the woman should take a full or partial bath, as we have prescribed, and they also get the mother, eight or ten days before her delivery, to drink every morning a potion of oil of sweet almonds extracted without heat and mixed with two ounces of water infused with pellitory. I have seen this administered to a number of women, among them Mademoiselle Cappe, who had had a number of difficult labours resulting in stillbirths, but since I recommended this treatment to her, thanks be to God, she has given birth safely to a number of living children. Such treatments are also useful for women whose vaginal passage is rough or hard.

9) Les bains ou l’huile d’amandes peuvent-ils rendre l’accouchement  plus facile?

Depuis toujours les femmes enceintes et les praticiens ont recherché des façons d’adoucir l’accouchement. A la Renaissance, les bains sont controversés, mais Guillemeau semble les admettre peu avant le terme de la grossesse. Il se laisse également guidé par l’expérience (ce qu’il a ‘expérimenté’) quant à l’huile d’amande, qui a valu des accouchements heureux – le sujet de son livre – à une de ses patientes.

p. 204

Plusieurs ne font difficulté sur la fin du neufiesme mois de baigner la femme avec bain universel ou particulier, tel que nous avons ordonné, comme aussi de donner à boire à la mere, tous les matins, huict ou dix jours avant son accouchement, une once d’huyle d’amendes douces tirées sans feu, avec deux onces d’eau de Paritoire. Ce que j’ay souventesfois experimenté à plusieurs femmes : et entre-autres à Madamoiselle Cappe, laquelle est accouchée plusieurs fois avec beaucoup de peine et de travail des ses enfans morts : mais depuis que je luy ay conseillé tel remede, graces à Dieu, elle a esté delivrée fort heureusement de plusieurs enfans vivans. Tels remedes servent à celles qui ont aussi quelques caillositez et duretez au conduit de la Nature.

 

10) During a difficult delivery, Gullemeau saves the life of the daughter of Ambroise Paré

The four tales which follow are among the most interesting in Guillemeau’s treatise. They all illustrate the argument that if a woman is suffering from a haemorrhage, the delivery should be carried out as quickly as possible.  In all four cases (and all have a happy outcome), the women had called upon the leading doctors or surgeons in Paris, showing us something of the milieu in which they practised.  The first case concerns the daughter of Ambroise Paré – the latter had been Guillemeau’s teacher; it is interesting that the physicians approve the surgeon’s recommendation, showing good professional respect between them.

 

p. 221

In the tales which follow, experience will clearly demonstrate that it is essential to deliver a pregnant woman if she is suffering from a heavy haemorrhage or continuous convulsions, and cannot be treated by any ordinary cures.

 

In 1599 Mademoiselle Simon, who is still alive, the daughter of Monsieur Paré, Councillor and First Surgeon to the King, was preparing to give birth when she suffered a heavy haemorrhage. With her was the midwife Madame La Charonne, and  also present, on account of the faintness which overcame her every quarter of an hour because of the blood she was losing, Monsieur Hautin, physician to the King, and physician in Paris, and Monsieur Rigault, also a physician in  Paris. Monsieur Marchant, my son-in-law, and I were also summoned. And seeing that she had almost lost her pulse, her voice was weak and her lips pale, I warned her mother and husband that her life was in great danger, and that there was only one way to save her, which was to deliver the child immediately. I had seen this done by her father, the late Monsieur Paré, who had instructed me to do this for a lady belonging to the household of Madame de Seneterre. Thereupon, the mother and husband begged us to save her, and said they entrusted her to our hands, to do as we judged best. So, with the consent of the physicians who were there, we immediately and successfully delivered her, of a child full of life.

10) Comment Guillemeau sauve la vie de la  fille d’Ambroise Paré lors d’un accouchement dangereux
 

Les quatre récits qui s’ensuivent sont parmi les plus intéressants chez Guillemeau. Ils illustrent  tous la même thèse, qu’il faut accoucher le plus vite possible une femme qui court des risques d’hémorragie. Ces cas, où la leçon a porté ses fruits, concernent tous, par ailleurs, des femmes pour qui on faisait appel aux plus grands médecins ou chirurgiens de Paris. Ainsi voyons-nous le milieu dans lequel ceux-ci s’évoluaient.  Signalons que dans ce premier cas, où il s’agit de la fille d’Ambroise Paré – ancien maître de Jacques Guillemeau – les médecins approuvent l’avis du chirurgien.
 

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L’experience nous fera manifestement cognoistre par les Histoires qui s’ensuivent, comme il est tres-necessaire d’accoucher la femme grosse, quand le flux de sang est grand, ou que les convulsions continuent, et qu’elle n’en peut estre garantie par les remedes ordinaires.

 

L’an 1599 mademoiselle Simon, à present vivante, fille de monsieur Paré, Conseiller et premier Chirurgien du Roy, estant preste d’accoucher, fut surprise d’un grand flux de sang, ayant pres d’elle Madame La Charonne pour Sage-femme, estant pareillement assistée de messieurs Hautin, Medecin ordinaire du Roy, et Docteur en Medecine à Paris, et Monsieur Rigault, aussi Medecin à Paris, à raison des grandes sincopes  qui luy prenoient de quart d’heure en quart d’heure, pour la perte de sang qu’elle faisoit : Monsieur Marchant, mon gendre, et moy, fusmes mandez. Mais la considerant presque sans poulx, ayant la voix foible, les levres blesmes, je fis prognostic à la mere et à son mary, qu’elle estoit en grand danger de sa vie, et qu’il n’y avoit qu’un seul moyen pour la sauver de ce mal, qui estoit de la delivrer promptement : ce que j’avoys veu practiquer à feu Monsieur Paré son pere, me l’ayant fait faire à une Damoiselle de Madame de Seneterre. Lors ladite mere et mary nous conjurerent de la secourir, et qu’ils la mettoient entre nos mains pour en disposer. Ainsi promptement, suivant l’advis de messieurs les medecins, fut heureusement accouchée d’un enfant plein de vie.

 

11) A noblewoman is delivered very quickly to stop a haemorrhage

The ‘noblewoman’ in this story is not named, but her rank is indicated by the fact that four of the King’s physicians are summoned, together with Guillemeau and his son-in-law. Guillemeau subtly suggests that it was he himself, rather than the first physician to the king, who recognised the danger facing the woman.

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In 1600 a noblewoman, terrified by a large clap of thunder, suffered a sudden haemorrhage, and I was immediately called to attend her. On arrival, I observed that the haemorrhage had subsided considerably, but as she had to travel to a place some 12 to 15 leagues from Paris, fearing lest the haemorrhage should continue, I had my son-in-law, Monsieur Marchand, accompany her there by water. When she arrived, she started to haemorrhage again, and this caused him to make an unfavourable judgement, which was in contradiction to the opinions of Monsieur de La Rivière, first physician to the King, who was in the same place. As a result, a carriage was sent for myself and for Monsieur Renard, the King’s physician. When we arrived, things looked better, and Monsieur de La Riviere left to attend the King. But suddenly the haemorrhage started again, so Monsieur Marescot and Monsieur Martin, physicians of the King, were sent for, but they did not arrive until after the lady had given birth. The parents and friends of the lady, together with Monsieur Renard, Monsieur Marchand and myself, favoured delivering her, because of the blood she was losing and her frequent loss of consciousness. And as soon as she had been delivered, the haemorrhage ceased.

11) Une grande dame est accouchée d’urgence pour arrêter une hémorragie

La ‘grande dame’ n’est pas nommée, mais nous pouvons juger de son rang par le fait que l’on fait appel à quatre médecins du roi, ainsi qu’à Guillemeau et à son beau-fils.  De façon subtile, Guillemeau nous laisse comprendre que celui-ci prévoyait mieux que le premier médecin du roi les dangers qu’elle courait !

p. 223

L’an 1600 il survint un flux de sang impetueux à une grande Dame, pour la frayeur qu’elle eut d’un grand esclat de Tonnerre, soudain il me fut commandé de l’aller visiter. Estant arrivé,  je recogneu que son flux de sang estoit fort appaisé. Mais comme elle estoit contraincte de s’en aller à douze ou quinze lieues de Paris : et craignant que ledit flux de sang ne continuast, Monsieur Marchand mon gendre la conduict audit lieu par eau : ou estant arrivé le flux de sang luy reprint : ce qui fut cause qu’il en donna un mauvais jugement, contre l’opinion de Monsieur de La Rivière, premier Medecin du Roy, qui estoit audit lieu. Occasion que je fus mandé en poste avec Monsieur Renard medecin du Roy : ou estant arrivé, les affaires estoient en meilleur estat, le dit sieur de La Riviere s’achemina vers le Roy. Mais soudain ledit flux de sang recommança : ce qui fut cause que l’on envoya querir Messieurs Marescot, et Martin, Medecins du Roy, lesquels ne peurent si tost arriver qu’elle ne fust accouochée. Ce que les parens et amis de ladite Dame, ensemble Messieurs Renard, Marchand, et moy, fusmes d’advis de faire, pour la grande perte de son sang qu’elle faisoit, et les sincopes frequentes qui la prenoient : et si tost qu’elle fut accouchée, ledit flux de sang cessa.

 

12) On Guillemeau’s advice, Honoré delivers a woman who is losing too much blood

It is Honoré, a barber-surgeon renowned in Paris for his skill as an ‘accoucheur’, who is called upon to deliver Mlle Danzé. When Louise Bourgeois records the birth of the King’s children, she notes that she made sure Honoré was never allowed into the royal birthing chamber, even in the difficult fourth delivery (a breech presentation), for she obviously saw him as a threat to her standing as a midwife. However, other families summon Honoré for difficult deliveries, albeit that in this case he seeks the advice of Guillemeau. Like Bourgeois, Guillemeau recognises that rapid delivery is essential to treat a haemorrhage during labour.
 

p. 224

In 1603 Madamoiselle Danzé, or Chece, suffered such a haemorrhage as this during her labour, and it lasted from the morning until eight or nine o’clock in the evening. She was being attended by Madame Boursier, midwife to the Queen. Monsieur Le Fevre, Monsieur Riolan, Monsieur le Moine, physicians and Regents of the Faculty of Medicine in Paris, and Monsieur de Sainct Germain, a master Apothecary, were summoned to treat her. And as she was losing a lot of blood, they called Monsieur Honoré, the King’s Surgeon, who did not want to take any action without consulting me. And on my arrival, I agreed with the rest of those assembled that she should be immediately delivered, which was done by Honoré, and the child was born alive.
 

12) Suivant le conseil de Guillemeau, Honoré accouche une femme qui perdait trop de sang

L’accouchement de Mlle Danzé est accompli par Honoré, ce chirurgien célèbre,  qui est, en quelque sorte, le premier ‘accoucheur’ français, rival donc des sages-femmes. A la naissance du quatrième enfant du roi, nous voyons que Louise Bourgeois veille  à l’écarter. Mais lors d’un travail dangereux, c’est à Honoré qu’on fait appel, même si celui-ci se donne la peine de demander l’avis de Guillemeau avant d’intervenir. Comme Bourgeois, celui-ci reconnaît l'importance de délivrer rapidement une femme qui souffre d'une hémorragie.

p. 224

L’an 1603 Madamoiselle Danzé, ou Chece, fut surprise estant en son travail, d’un pareil flux de sang, qui luy dura depuis le matin jusques à huict à neuf heures du soir, estant assistée de Madame Boursier, Sage-femme de la Royne[.] Messieurs Le Fevre, Riolan, le Moine, Docteurs Regens en la Faculté de Medecine à Paris, et Monsieur de Sainct Germain maistre Apothicaire, furent appellez pour la traicter : et comme elle perdoit son sang, appellerent Monsieur Honoré Chirurgien du Roy, lequel ne voulant rien attenter sans mon advis, l’on me manda querir, et soudain que je fus arrivé, mon opinion fut avec celle de la compagnie de l’accoucher : ce qui fust fait par ledit Honoré, l’enfant estant vivant.
 

 

13) Honoré delivers Mlle Coulon to stop further haemorrhage

Once again it is Honoré, the famous ‘accoucheur’, or surgeon specialised in difficult deliveries, working in Paris at the turn of the 17th century, who is called in when the midwife and royal physicians fear the woman in labour may die from a haemorrhage.

p. 224

Recently, Madamoiselle Coulon (whose labour was attended by Madame La Charonne, a most experienced midwife) suffered a great haemorrhage after Monsieur Martin, Monsieur Hautin, Monsieur Cornuti and Monsieur Pierre, all physicians of the King and doctors in Paris, had treated her to try to prevent her loss of blood. Finally, fearing lest she lose her life along with the blood if she were unconscious in labour, they resolved to have her delivered by Honoré. And after the delivery her haemorrhage stopped completely.

13) Honoré accouche Mlle Coulon pour arrêter son hémorragie

De nouveau, c’est à Honoré, le grand accoucheur, qu’on fait appel lorsque la sage-femme et les médecins du roi craignent qu’une femme ne meure si une hémorragie continue.

p. 224

De recente memoire Madamoiselle Coulon (assistée en son travail de Madame La Charonne, Sage-femme fort experte) ayant un grand flux de sang, apres avoir esté traittée par Messieurs Martin, Hautin, Cornuti, Pierre, medecins du Roy, et Docteurs à Paris, pour luy arrester son flux de sang, en fin pour la crainte qu’ils eurent qu’avec son sang elle ne perdist la vie accouchant en sincope, par leur advis fut accouchée par ledit Honoré, et soudain ledit flux de sang s’arresta.
 

 

14) Two women die because they are not delivered quickly to prevent them from haemorrhaging

The next two episodes form a direct contrast to the preceding group of four, involving cases where women died because they were not delivered immediately to stop their haemorrhages.  Their tragic tales serve as warnings; their deaths could have been avoided had their families and friends not forbidden the surgeons to perform an assisted delivery. In the words of Guillemeau, the surgeons needed to ‘intervene manually’, a procedure recommended in such cases by his teacher, Ambroise Paré.

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But just as the lives of the women and children in the tales above were saved by a timely delivery, so those in the tales which follow lost their lives because they were not treated as specialist knowledge and experience required them to be, for their families and friends refused a prompt manual intervention. The two tales here will bear this out.

 

Madamoiselle Vion suffered a serious haemorrhage when she was in labour. It was hoped that the remedies applied would stop it, although it was advised that it would be better to deliver her without any further delay. However, the contrary view of some people who were present was heeded, and gradually as she lost more blood, she lost her life. The same thing happened to Madame Gasselin, who died because she was treated too late, just as had been predicted because she had lost all her blood before approval was given for her to be delivered. Let this serve as a lesson to the young surgeon not to delay such a procedure when he is summoned to a case of severe haemorrhage. I saw this done twenty-five years ago by Monsieur Paré and Monsieur Hubert, and I must acknowledge that I learned this and may other practices from them.

14) Deux femmes qui meurent parce qu’on ne veut pas permettre qu’elles soient accouchées pour arrêter une hémorragie

Les deux épisodes suivants forment un diptyche avec les récits qui les précédaient : cette fois-ci il s’agit d’hémorragies qui ont entraîné la mort maternelle. Ce sont des histoires tragiques qui servent d’exempla, car ce sont les parents et les amis des parturientes qui ont empêché les chirurgiens de sauver ces femmes en refusant une naissance assistée.  Il aurait fallu, pour employer l’expression de Gullemeau, que le chirurgien y ‘mette la main’, procédé cautionné par son maître Ambroise Paré.
 

p. 225

Mais comme les susdites femmes et enfans ont eu la vie sauve pour avoir esté accouchées en temps et lieu : aussi celles-cy apres nommées, ont perdu la vie pour n’avoir esté secourues comme l’art et l’experience le requeroit, leurs parens et amis n’ayant voulu permettre d’y mettre la main promptement. Ces deux histoires icy en feront foy.

 

Madamoiselle Vion estant preste d’accoucher eut un grand flux de sang, sur l’esperance que l’on avoit  qu’il cesseroit pour les remedes que l’on y apportoit, encore que l’on fust d’advis de l’accoucher sans plus differer, neantmoins s’arrestant au conseil de quelques personnes qui luy assistoient, petit à petit en perdant son sang perdit la vie. Le mesme arriva à Madame Gasselin, laquelle pour avoir esté trop tard secourue mourut, ainsi qu’il avoit esté predit, ayant perdu tout son sang auparavant que de consentir à l’accoucher ; ce qui sera cause d’instruire le jeune Chirurgien de ne differer telle operation quand il sera appellé à un grand flux de sang. Il y a vingt cinq ans que j’ay veu faire cette prattique à feu Messieurs Paré, et Hubert, ausquels, comme de plusieurs autres experiences, nous sommes obligez de le recognoistre, et confesser l’avoir appris d’eux.

 


15) A woman who has suffered a heavy haemorrhage dies after giving birth

This episode is slightly different from the previous ones in that the initial haemorrhage does not cause problems during the birth, but lack of timely intervention leads to the post-natal death of the woman. We can compare the autopsy in this case with that performed after the death of ‘Madame’ in 1627. In both cases the womb was found to have burst, but whereas the death of ‘Madame’ brought the end of the midwife Louise Bourgeois’s public career, no-one blames the midwife in the case recounted by Guillemeau.

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Madamoiselle de Mommor, who was twenty-five years old, was at the end of pregnancy, and felt pains towards four or five in the morning. Nevertheless, she got up and went to the church near her house. Her pains came back from time to time, accompanied by a continual loss of blood. After three days, she gave birth very easily, without the midwife needing to touch her, and even the placenta was expelled immediately. Yet she died the same day towards the evening. Her relatives kept her body for some time, unable to believe that she was dead. An autopsy was performed by Monsieur Pineau, surgeon to the King and registered in Paris, and Monsieur Faber and Monsieur Baillou – both physicians and Regents of the Faculty of Medicine in Paris – were present. The womb was found to have burst; it was ruptured and torn open on the left-hand side, where the vein and hypogastric artery run up to the middle of it. Both of these were also ruptured, and they had let out a large amount of blood.
 

15) Une femme meurt après son accouchement ayant subi une hémorragie importante

Cet épisode est quelque peu différent des deux cas précédents, car la femme meurt après un accouchement indolore. Toujours est-il que l’on n’est pas intervenu à temps pour l’accoucher dès qu’une hémorragie se manifestait. L’autopsie présente quelques similitudes avec celle qui suivra la mort de Madame en 1627, et qui marquera la fin de la carrière publique de Louise Bourgeois. Chez ‘Madame’, comme chez Madame de Mommor, l'utérus s’est éclaté, mais dans le cas que raconte Guillemeau personne ne pense à inculper la sage-femme.

p. 226

Madamoiselle de Mommor, aagée de vingt et cinq ans, preste d’accoucher, se trouva mal sur les quatre ou cinq heures du matin, neantmoins se leva et alla à l’Eglise, prés de son logis, ses douleurs, par intervalle, recommençoient, ayant un flux de sang continuel : au bout de trois jours elle accoucha fort doucement, et sans que la Sage-femme luy touchast, mesme l’Arriere-fais suivit incontinent. Toutesfois elle mourut le mesme jour sur le soir ; elle fut gardée quelque temps par les parens, qui ne pouvoient croire qu’elle fust morte. Estant ouverte par Monsieur Pineau Chirurgien du Roy et Juré à Paris, en la presence de Messieurs Faber et de Baillou, Docteurs Regens en la Faculté de Medecine à Paris, on trouva la matrice rompue, éclattée et fendue par le costé gauche, à l’endroit où la veine et l’artere hypogastrique montent vers le milieu du corps d’icelle, lesquelles furent pareillement rompues, d’où estoit sorty grande quantité de sang.

 

16) A surgeon delivers a woman urgently because she is suffering from convulsions

After dealing with the dangers of haemorrhage in labour, Guillemeau next discusses another reason for performing an emergency delivery, namely when the woman is suffering from convulsions (a symptom of what today would be recognised as eclampsia). He believes that the delivery is essential to save the mother’s life, and provides a rare glimpse of how the surgeon’s technique in such cases. The surgeon inserts his hand to examine the vulva, then breaks the waters, which in the case in point suffices to start the labour. In accordance with the usual theories of the time, Guillemeau represents the foetus as the active agent struggling to break free of the uterus in which it is imprisoned.
 

p. 227

And as far as the convulsions are concerned, which are caused most often by the foetus’s strenuous efforts to leave the womb, if the foetus is not well positioned it causes the womb to expand so greatly that it causes convulsions. To avoid the danger of the foetus tearing everything within, it is expedient to deliver the mother immediately, which I have done, and this was also done recently by Monsieur Binet, a surgeon registered in Paris and with much experience, who had been sent for by Monsieur Bouvart, a physician, to deliver Opportune Guerreau, the wife of  Sevestre the printer, who had been in labour from eight o’clock in the morning till nine at night. And finding her pulse to be weak and faint, and as she had lost all movement and feeling, he hesitated to do so, but was pressed by her husband. And since he feared that she would suffer convulsions and soon die, he eased his hand into her womb, located the child’s head, and found the waters unbroken. So he broke them, and thereupon delivered her successfully. And the mother is still at the present time alive and in good health.

16) Un chirurgien accouche une femme d’urgence puisqu’elle souffre de convulsions

Après avoir évoqué les dangers de l’hémorragie chez une parturiente, Guillemeau passe à un autre motif pour accoucher une femme d’urgence, à savoir les convulsions (symptôme de ce qu’on appellerait aujourd’hui l’éclampsie). Il démontre l’importance d’une naissance assistée pour sauver la vie de la parturiente, en nous donnant une des rares indications de la façon dont les chirurgiens procédaient  sous de telles conditions: un examen manuel de la vulve, suivi de la rupture des eaux, ce qui, dans ce cas, suffit pour que l’accouchement s’accomplisse. Nous remarquerons, au demeurant, que conformément à toutes les théories courantes, c’est le fœtus qui s’efforce de sortir de l’utérus où il se sent emprisonné.

p. 227

Et pour ce qui regarde les convulsions, lesquelles viennent le plus souvent pour le grand effort que fait l’enfant desirant sortir, lequel n'estant bien tourné fait si grande extension à la matrice, que lesdites convulsions s’ensuivent : craignant qu’il ne déchire tout en dedans, il sera expedient d’accoucher soudainement la mere, ce que j’ay fait, et de recente memoire a esté prattiqué par Monsieur Binet Chirurgien Juré à Paris fort experimenté, lequel ayant esté envoyé querir par Monsieur Bouvart Docteur en Medecine, pour delivrer Opportune Guerreau femme de Sevestre Imprimeur, qui avoit esté travaillée depuis les huict heures du matin, jusques à neuf du soir, et trouvant son poux fort debile et petit, ayant perdu tout mouvement et sentiment, en faisoit quelque difficulté, mais invité qu’il fut de son mary, craignant qu’elle ne mourust bien tost, et qu’il ne luy print quelques convulsions, coulant sa main en la matrice, trouve le chef de l’enfant, sans que les eaux  fussent percées, lesquelles il perça, et en mesme temps la delivra heureusement. Et est encores pour le present plaine de vie.
 

 

17) Autopsies on two women reveal ruptured wombs

At the end of the chapter, Guillemeau cites two autopsies which illustrate how spectacularly the uterus can rupture, causing maternal death.  In the first tale, this is again explained, in the surgeon’s eyes, by the foetus’s efforts to break free. However, in the other tale, Guillemeau does not explain why the foetus remained in the womb even after it had ruptured. (His description of the foetus floating in the waters of the womb recalls Riolan’s description of the autopsy of a woman carrying a foetus of some five months; such autopsies were clearly rare enough to merit close attention from physicians and surgeons in the early seventeenth century.) In both cases, Guillemeau is struck by the quantity of fluids (blood and amniotic fluid) which had accumulated.

p. 228

In 1607 Monsieur Binet was called out together with Monsieur le Moine, a physician in Paris, and Alton, a master barber-surgeon in Paris, to perform an autopsy on the dead body of Jeanne Du Bois. After opening the lower abdomen, they found her child lying on the gut. It had ruptured and broken the womb, passing right through it, and a large amount of blood had poured into the womb.

 

Monsieur Pineau, Monsieur Guerin, and Monsieur Lanay, surgeons registered in Paris, will bear witness to the fact that I attended the autopsy on a poor woman who died at the Hôtel-Dieu, and in her womb there was found to be a child floating in the waters, her womb having ruptured at the bottom.

17) Deux autopsies de femmes qui révèlent une rupture de la matrice

A la fin de ce chapitre, Guillemeau cite deux autopsies pour illustrer la rupture spectaculaire de l’utérus qui avait, bien sûr, entraîné la mort maternelle. Dans le premier cas, le phénomène s’explique , de nouveau, à ses yeux par les efforts démesurés du fœtus pour sortir. Dans l’autre cas, cependant, Guillemeau n’offre aucune explication du fait que le fœtus soit resté dans l’utérus après la rupture de celui-ci.  (La façon dont il décrit le fœtus qui nage sur les eaux n’est pas sans rappeler la description d’un fœtus de cinq mois chez Riolan : de telles autopsies sont toujours assez rares au début du XVIIe siècle pour impressionner les médecins et les chirurgiens.) En tout état de cause, dans les deux cas Guillemeau remarque surtout la quantité de liquides (le sang et les eaux) qui s’y sont accumulés.
 

p. 228

L’an 1607 ledit sieur Binet fut appellé avec Monsieur le Moine, Docteur en Medecine à Paris, et Alton maistre Barbier Chirurgien à Paris, pour anatomiser le corps mort de Jeanne Du Bois, ayant ouvert le ventre inferieur, son enfant fut trouvé sur les boyaux, qui avoit rompu et brisé la matrice, estant passé tout au travers, avec quantité de sang respandu dedans la capacité dudit ventre.

 

Messieurs Pineau, Guerin, Lanay Chirurgiens Jurez à Paris me seront tesmoings, d’avoir assisté à  l’ouverture d’une pauvre femme qui mourut  à l’Hostel Dieu, dedans le ventre de laquelle, l’on trouva son enfant nageant avec les eaux, sa matrice estant rompuë par son fond.

 

18) A mother dies because a woman nursing her rashly pulls out part of the placenta

This is a tragic tale, underlining the dangers of imprudent or rash intervention from people without proper medical training. The importance of not pulling hard on the placenta after birth was understood; it can lead to a fatal haemorrhage. Nonetheless a woman nursing the new mother, who wishes to appear as capable as a real midwife, does so, with disastrous results. While Guillemeau is generally respectful towards well trained and competent midwives, he is harsh in his judgement of this unskilled nurse.

p. 234

It can happen that part of the placenta, or the membrane containing the waters appears like a skin from the vagina of the woman […The membrane] must not be pulled out with force since often the placenta has not separated from the walls of the womb, and by pulling on the membrane you will pull on the placenta, and also on the whole womb or the part of the womb to which it is attached. This normally causes extreme pain and the poor mother may faint; indeed it can often cause her death, as I saw, to my deep regret, in the case of a well-born lady who died unexpectedly after giving birth because she had entrusted her care to a nurse who was trying to behave as though she were a midwife. This person was rash enough to pull and tug on the membrane and part of the afterbirth, as we discovered from one of the chambermaids who had kept it and showed it to us after her mistress’s death, since we were most concerned to discover the cause of her death.
If such a thing happens, the skin must not be pulled, but should instead be gently put back inside, or [if the child has not been born] you should slip you hand between the skin and the vaginal passage to locate the child’s feet and pull them out, as we explained above. I related this tale at some length because of the sorrow the lady’s death occasioned me, since I had personally delivered her twice before, but had not arrived in time to save her on the third occasion.

18) Une femme meurt puisqu’une garde d’accouchée lui a imprudemment arraché une partie du placenta

Nous avons affaire ici à une histoire tragique qui souligne les dangers de l’imprudence et de l’intervention intempestive  de ceux (ou celles) sans formation médicale. D’une part, c’est un principe obstétrical que de ne pas tirer sur le placenta (afin d’éviter toute hémorragie) ; d’autre part, c’est une garde d’accouchée qui veut se faire passer pour sage-femme qui commet l’acte imprudent. Ailleurs, Guillemeau a montré son respect pour certaines sages-femmes bien formées, mais il en est tout autre ici pour une simple garde d’accouchée ignorante.
 

p. 234

Il peut advenir qu’une portion de l’Arrierefais, comme la membrane qui contient les eaux, se presente semblable à une peau qui sort du conduit naturel de la femme [… La membrane] ne doit estre tirée par force d’autant que l’Arrierefais souvent n’est separé des parois de la matrice, et en la tirant vous attirez le dit Arrierefais, et par consequent la matrice ou portion d’icelle, à laquelle il est attaché ; ce qui cause ordinairement des douleurs extrémes et desfaillance à la pauvre mere, voire souvent la mort ; comme à mon grand regret j’ay veu arriver à une honneste Damoiselle, laquelle soudain mourut apres avoir esté accouchée, s’estant mise entre les mains d’une Garde qui contrefaisoit la Sage femme, laquelle fut si hardie de luy tirer et arracher ladite membrane et portion de l’Arrierefais : ce qui nous fut découvert par une sienne fille de chambre, qui l’avoit gardée, laquelle nous la monstra apres son deceds, d’autant que nous estions en peine de sçavoir la cause de sa mort : mais telle chose advenant ladite peau ne doit estre tirée ains plustost doucement remise, ou bien entre icelle et le col de la matrice couler sa main pour chercher les pieds de l’enfant et les tirer comme nous avons dit cy-dessus. J‘ay cité ceste Histoire  au long pour le regret que j’ay eu de la mort de ladite Damoiselle, l’ayant accouchée par deux fois de ma main, n’estant assez tost arrivé pour la secourir la troisesme fois.
 

 

19) Guillemeau delivers a woman who has been in labour for two days

Guillemeau is explaining to the young surgeons for whom he is writing how to carry out a successful assisted delivery. He relates a case in which he managed to save the life of a woman who had been in labour for two days. As in the rest of his treatise, Guillemeau favours ‘gentle childbirth’, and so advises patience, caution, great care – and using a lot of grease so that the child can slip out as easily as possible! He also advises that the mother should continue to play an active part, pushing while the surgeon applies gentle traction. These are the methods he believes likely to produce a safe delivery, without injuring either child or mother in the process.

p. 267

And it should be noted that in order to extract the child safely from the mother’s womb, you should have a headscarf, towel or other piece of linen, so that you are not holding the naked feet, hips or body of the child […]

 

It can happen that the neck of the womb is not sufficiently open for the surgeon or midwife to put a hand in without great difficulty and causing great pain, the opening being sufficient only to slip in two or three fingers and discover how the child is presenting. If you find that one or both of the feet are presenting first, you should act as follows.

 

When I was at Moret, treating the Count Charles, I was called together with the late Monsieur de la Corde, who was a doctor in Paris and physician to the King, to deliver a poor woman who had been in labour for two days and two nights. All her waters had run away, so the child was left dry, the vagina had contracted again, and she had no more pains or contractions, as I noted on slipping my hand inside against the neck of the womb, and introducing two fingers inside, whereupon I touched one of the feet of the child. I resolved to deliver it, which I did as follows.

 

First, after locating its exact position, with my hands, which I had covered with a mixture of butter and pig grease melted together, I applied plenty of this same grease inside to lubricate the whole vagina as much as possible. And then, after dilating the neck of the womb a little more, with three fingers of one hand, I put a ribbon with a slip-knot around the child’s foot, gently pulled the knot tight. Then after dilating the cervix some more, I reached the second foot, over which I slipped a second ribbon with a slip knot, as I had done to the first one. After this, I gently pulled on the two ribbons, bringing the two feet out together, and when I had got the child out as far as the hips, I reapplied plenty of lubricating grease as above. Then, taking a headscarf so that it could not slip, I told the woman to push as hard as she could, especially when she had pains and contractions, and by gently pulling, sometimes in a straight line, sometimes sideways, so that I kept opening the passage up further,  I pulled the child out, rotating it gently so that the stomach was underneath and the chin did not get caught on the pubic bone, as I have said above.

19) Guillemeau accouche une femme dont le travail dure depuis deux jours
 

En s’adressant aux jeunes chirurgiens, Guillemeau explique la manière de bien réussir une naissance assistée. Il cite un cas où il a dû sauver la vie d’une femme pauvre qui n’a pas réussi à mettre son enfant au monde au bout de deux jours. Comme dans d’autres chapitres, Guillemeau se révèle partisan de l’accouchement ‘en douceur’. Aussi conseille-t-il la patience, la prudence, la douceur – et l’emploi de beaucoup de graisse pour que l’enfant puisse sortir le moins péniblement possible. D’ailleurs, il veut que la parturiente reste active : elle doit pousser alors que l’accoucheur  tire ‘doucement’. Ces méthodes permettent un dénouement heureux : ni l’enfant  ni la mère ne semble être blessé lors de ce procédé.

p. 267

Et faut noter que pour bien tirer un Enfant du ventre de la mere, il faut prendre un couvrechef, serviette ou autre linge, afin de ne tenir à nud soit les pieds, cuisses ny corps de l’Enfant. […].

 

Il peut arriver que le col interieur de la matrice n’est si grandement ouvert que la main du Chirurgien ou Sage-femme y puisse entrer que difficilement, et avec grande douleur, le passage n’estant suffisant que pour y couler deux ou trois doigts par le moyen desquels l’on recognoist comme l’Enfant peut venir. Si l’on remarque que l’un ou les deux pieds se presentent aucunement, il faudra s’y gouverner en ceste sorte. Estant à Moret, traittant Monsieur le Comte Charles, je fus appellé avec feu Monsieur de La Corde, medecin du Roy, et de Paris, pour accoucher une pauvre femme qui estoit en travail, il y avoit deux jours et deux nuicts. Toutes les eaux estans vuidées, l‘Enfant estant demeuré à sec, le col interieur de la matrice s’estant resserré, n’ayant plus de douleurs ny Tranchées, ce que j’ay remarqué apres avoir coulé la main contre celuy col, et ayant enfoncé deux de mes doigts  au dedans, où je touchay l’un des pieds de l’Enfant, je me mis en opinion de la bien delivrer, ce que je fis en ceste sorte.

 

Premierement apres l’avoir bien fait situer : je fourray avec mes mains oinctes de beure et axunge de porc fondus ensemble, quantité d’icelle gresse pour oindre tout ledit Col, le plus qu’il me fut possible, et apres avoir un peu plus dilaté ledit Col, avec les trois doigts de la main, je portay un ruban avec un nœud-coulant, au pied de l’enfant, le serrant doucement, puis en dilatant davantage le col, je cherchay le second pied, auquel je glissay un autre ruban avec un nœud coulant, comme j ‘avois fait au precedent. Cela fait je tiray les deux rubans doucement et amenay les deux pieds ensemble lesquels estans attirez jusques  aux cuisses  je recommençay à faire force onctions comme dessus. Puis ayant pris un couvrechef, craignant qu’il ne glissast, commandant à la femme de s’efforcer le plus qu’il luy seroit possible, lors principalement qu’il luy viendroit des Tranchées et douleurs, et doucement en tirant quelques fois de ligne droite, et quelques fois à costé, afin d’eslargir tousjours le passage, je tiray l’enfant , en le retournant doucement le ventre contre bas, afin que le menton ne s’accrochast à l’os Barré, comme j’ay cy devant dit.

 

20) A woman gives birth to twins without any medical assistance

Like most of the authors of obstetrical works, Guillemeau deals with multiple births. He starts with a tale of a very unproblematic one in which twins were born naturally. We should note that the midwife did not know that the woman was expecting twins, any more than the mother herself did. It was Guillemeau, the surgeon, who recognised the signs. We might ask how he came to be present at the birth when there had been no reason to expect complications. Is this a sign that at the start of the seventeenth century, some better-off families already had a surgeon or'accoucheur' as well as a midwife routinely to hand?

p. 285

We cannot always know that a woman is pregnant with twins, even when she is in labour. A little while ago, I was present at the delivery of a well-born lady who was pregnant with twins. And she had delivered the first, without the midwife having realised that there was a second one. As I was about to extract the placenta, I realised that a second child was crowning. And as this child came naturally, she gave birth to it most happily.
 

20) Une femme accouche de jumeaux sans aucune intervention chirurgicale

Comme la plupart des auteurs de traités d’obstétrique, Guillemeau consacre un chapitre aux naissances multiples. Il commence ses observations par le récit d’un ‘heureux accouchement’, où les  jumeaux sont nés ‘naturellement’. Notons cependant que la sage-femme n’a pas su que la femme attendait deux enfants ; c’est le chirurgien – Guillemeau lui-même – qui le reconnaît. Pourquoi  celui-ci était-il présent alors que la naissance ne présentait aucun caractère dangereux ? Est-ce une indication que les familles plus aisées préféraient déjà, au début du XVIIe siècle, la présence d'un chirurgien-accoucheur, plutôt que de se remettre  à une sage-femme ?
 

p. 285

Il ne se peut pas tousjours bien cognoistre que la femme soit grosse de deux enfans, encore qu’elle soit en son travail.  Je me suis trouvé, il y a quelque temps à l’accouchement  d’une honneste dame, qui estoit grosse de deux Enfans. Et comme elle fut delivrée du premier, sans que la sage femme eust recogneu qu’il y en avoit un second ; voulant tirer l’arrierefais, je recogneu qu’il s’en presentoit un second au couronnnement. Et comme il venoit naturellement, elle en accoucha fort heureusement […].

 

21) Guillemeau extracts a foetus which has been retained in the womb for more than two years

Like Provanchières and Gelée, Guillemeau attends the delivery of a fœtus which has been retained in the womb for a long time unbeknown to the mother.  He resists dramatising the episode, instead making a learned comparison at the end of his account with a case cited by Schenk (in his 1609 collection, Monstrorum historia). Guillemeau thus writes as a very well-informed practitioner, who stands poles apart from those writing tales of monstrous births for the popular broadsheets. He is concerned with the medical details, consultations and treatments prescribed. As in all the cases he recounts, he looks for a gentle delivery, his role being to prompt nature to follow its course.

p. 300

Twenty-six years ago, Marie Beaurin, who is still alive and married to Guillaume Du Prat, a glass-cutter living in the rue Saint André des Arts, sent for me to show me a tumour at least as large as a fist which was coming out of her womb. It was similar to a bladder, but hard and firm like a strong piece of parchment, full of fairly clear water, and on palpating it, you could feel something hard and fairly long inside. If, as one normally does to replace large intestinal hernias, you pressed it with your hand, this tumour could easily be pushed back in when the woman was lying on her back with her legs and buttocks slightly raised. This was done in my presence. I asked her how long ago this had happened to her, and she replied more than two years ago, the second time she had given birth, and yet six months ago she had given birth to a little girl , but during this pregnancy the tumour had not fallen at all as it had during her previous pregnancy.

 

I advised her to call Monsieur Paré, the first Surgeon to the King, Monsieur Cointret, first Surgeon to Queen Louyse and to the King in the Chastelet, and other surgeons in Paris so they could judge what this tumour might be. After feeling it, and finding she felt no pain, they resolved it should be tied at the top after being pulled out as far as possible, and it should then be lanced. I did this, leaving the piece of thread with which I had made a longish ligature, so that I could pull on it when the time came. When I pierced the tumour, a lot of clear, clean water came out, and suddenly there followed a small foetus, about the length of a finger; it was quite firm and hard, did not smell bad, and it was attached by its navel which was swollen and firm like a little cord. Six days later as I moved the thread from side to side, the remainder of the tumour came out, after I had gently moved it every day, and had given several injections to soften the uterus in order to separate the tumour from the place where it was attached.

21) Guillemeau extrait un fœtus retenu par une femme pendant plus de deux ans
 

Tout comme Provanchières et Gelée, Guillemeau a assisté à la délivrance d’un fœtus retenu pendant longtemps par une femme qui n’en soupçonnait pas la présence. Dans ce cas-ci, cependant, l’épisode n’est pas du tout dramatisé. En effet, à la fin du récit, Guillemeau tirera une comparaison avec un cas cité par Schenk (dans son recueil de 1609, Monstrorum historia) ; nous avons donc affaire à un praticien très informé, qui veut à tout prix éviter le style des canards. Ainsi insiste-t-il plutôt sur tous les détails médicaux, les consultations et le traitement – et, comme pour les accouchements, Guillemeau a voulu avant tout agir le plus doucement possible, sans contrecarrer les effets naturels qu’il a su mettre en route.

p. 300

Marie Beaurin, qui est encore vivante, femme de Guillaume Du Prat, vitrier demeurant ruë Saint André des  Arts, m’envoya querir il y a vingt-six ans, pour me monstrer une tumeur grosse comme le poing et plus, qui luy sortoit de sa matrice, laquelle estoit semblable à une vessie dure et ferme comme un fort parchemin, pleine d’eau assez claire, dans laquelle on sentoit au tact, une dureté assez longuette : icelle tumeur ou vessie  se remettoit facilement en dedans, lorsque la femme estoit située et couchée sur le dos, souslevant un peu les cuisses et fesses en haut, et la pressant avec la main (en la façon que l’on remet ordinairement les grosses hargnes intestinales) ce qu’elle fit en ma presence : et l’ayant interrogée depuis quel temps tel accident luy estoit survenu, me respondit qu’il y avoit plus de deux ans, ce qui estoit arrivé à son second accouchement, et neantmoins qu’elle avoit eu depuis six mois une petite fille, laquelle elle nourrissoit, mais que durant sa grossesse ceste vessie ne luy tomboit aucunement comme elle faisoit au precedent sadite grossesse derniere.

 

Je luy conseillay d’appeller Messieurs Paré premier Chirurgien du Roy, Cointret premier Chirurgien de la Royne Louyse et du Roy en son Chastelet, et autres Chirurgiens du Roy et de Paris, pour juger ce que ce pourroit estre ceste vessie : ils furent d’avis apres l’avoir maniée, la trouvant indolente, de la lier par en haut, apres l’avoir tirée dehors le plus qu’il estoit possible, puis la percer, ce que je fis, laissant le fil duquel j’avois fait la ligature longuette, pour le tirer quand il en seroit besoin [.] L’ouverture faite sortit quantité d’eau fort claire  et nette, et soudain se presenta un petit fœtus de la grandeur d’un doigt assez ferme et dur, sans avoir mauvaise odeur, attaché par son nombril, qui estoit gros et ferme comme une petite corde : six jours apres en esbranlant ledit fil le reste sortit, apres l’avoir tous les jours  esbranlé de costé et d’autre, doucement, et ayant fait plusieurs injections remollientes dedans la matrice, afin de le separer du lieu où il estoit attaché.

 

22) Guillemeau performs a caesarean operation in two cases to save the foetus after the mother’s death

We have seen that opinions were divided over caesarean operations when the mother was still alive, but when the woman had already died in childbirth, it was agreed that the surgeon had a duty to open the mother to try to save the child. Guillemeau relates two such cases, the second operation being performed under the eye of Ambroise Paré himself.

p. 304

The lawyers condemn to death anyone who buries a woman having died in pregnancy without extracting the child, since this would be to deny the child (as well as the mother) the chance of living.

 

I have conducted such a [caesarean] operation quite successfully on a number of women, among others Madame Le Maire, accompanied by my uncle Monsieur Philippe; and Madame Pasquier after her death, in the presence of Monsieur Paré and the priest of St André des Arts.

22) Deux cas où Guillemeau fait une opération césarienne pour sauver le foetus à la suite du décès maternel

Nous avons vu que lorsqu’il s’agit d’un femme vivante, les avis sur l’opération césarienne sont fort partagés, alors que si la femme est morte en couches, le chirurgien doit impérativement essayer de sauver la vie du fœtus en procédant à cette opération.  Guillemeau en fournit deux exemples, dont le second s’accomplit sous l’œil d’Ambroise Paré.

p. 304

Les Jurisconsultes condamnent à mort celuy qui aura ensevely la femme grosse morte, devant que de luy tirer son enfant, pour luy avoir osté (avec la mere) l’esperance de vivre.

 

J’ay fait telle operation à quelques femmes fort heureusement, et entre autres à Madame le Maire, accompagné de Monsieur Philippe mon oncle : et à Madame Pasquier, soudain apres qu’elle fut decedée, presens Monsieur Paré, et le Curé de Sainct André des Arts.

 

23) Guillemeau condemns caesareans on living women, having seen five cases in which the women died

The subject of caesareans on living women provoked heated and sometimes bitter debates.  In 1590, Jacques Marchand lambasted François Rousset’s advocacy of the operation. Here Guillemeau revisits the key issues at stake, reminding us that Ambroise Paré had changed his original position. Guillemeau states that he himself had attended five such operations – two carried out by Paré – and in all the woman had died, which had led him to side with Paré and the College of Surgeons in their opposition.

p. 307

Some believe that such a caesarean section can and should be practised (while the woman is still alive) in case of a difficult delivery. I cannot advise this since I have witnessed it twice, in the presence of Monsieur Paré, and also seen it performed by Monsieur Viart, Monsieur Bruner and Monsieur Charbonnet, all most experienced surgeons, who carried everything out with due skill and method. Yet of the five women who underwent the operation, none survived. I know that it may be argued that there are some cases in which women have been saved, but if this is indeed so, it must be judged a cause of wonder rather than something which should be practised or copied. One swallow does not make a spring, and one case is not sufficient to build a scientific principle.
 After Monsieur Paré had demonstrated it to us, and seeing that it was not successful, he stopped performing the operation and retracted his opinion, together with our College of Surgeons registered in Paris, and the soundest among the physicians who are Regents in the Faculty of Medicine in Paris. This question was fully addressed by the late Monsieur Marchand in two speeches which he gave when he was honourably sworn in as a surgeon in Paris.

23) Guillemeau s’oppose à l’opération césarienne sur une femme vivante
après avoir assisté à cinq cas où la parturiente est morte.

Les débats sur l’opération césarienne étaient vifs, et parfois acerbes – à savoir l’intervention en 1590 de Jacques Marchand,  qui récusait les arguments proposés par François Rousset en faveur de cette opération. Guillemeau nous retrace quelques éléments clés du débat, notamment la façon dont Ambroise Paré avait changé d’avis. Guillemeau a assisté à cinq opérations  - dont deux menées par Paré lui-même – qui ont toutes entraîné la mort de la parturiente. Ainsi se range-t-il du côté de son maître et de celui du Collège des Chirurgiens, en se déclarant opposé à un tel procédé.

p. 307

Aucuns tiennent que telle section Cesarienne se peut et doit pratiquer (la femme estant vivante) en un fascheux Accouchement . Ce que je ne puis conseiller de faire, pour l’avoir experimenté deux fois, en la presence de Monsieur Paré, et veu pratiquer à Messieurs Viart, Bruner, Charbonnet, Chirurgiens fort experts : et sans avoir rien obmis à la faire dextrement et methodiquement. Toutesfois de cinq femmes, ausquelles telle operation a esté faite, il n’en est reschappé aucune. Je sçay que l’on peut mettre en avant qu’il y en a qui ont esté sauvées : mais quand cela seroit arrivé, il le faut plustost admirer que practiquer ou imiter. D’une seule Arondelle on ne peut juger le Printemps, ny d’une seule experience l’on ne peut faire une science.
 Apres que Monsieur Paré nous l’eut fait experimenter, et voyant que le succés en estoit malheureux, il s’est desisté et retracté de ceste operation, ensemble tout nostre College des Chirurgiens jurez à Paris, et la plus saine partie des Docteurs Regens en la faculté de Medecine à Paris : lors que ceste question fur suffisamment agitée par feu Monsieur Marchand, en ses deux declamations qu’il fit, lorsqu’il eut cest honneur de passer Chirurgien juré à Paris.

 

24) Guillemeau and a midwife distinguish a uterine prolapse from the delivery of the placenta

Guillemeau relates this episode, like many others, as a warning to young surgeons. The perils of childbirth are not over with the safe delivery of the foetus; the hours following birth are also dangerous, as in this case of a uterine prolapse. Guillemeau discretely shows the difference between the untrained nurse and the ignorant first midwife – who put the mother’s life at risk – as opposed to the second ‘very experienced’ midwife and himself. Once again, the surgeon’s medical expertise triumphs over misguided popular ideas.

p. 424

It sometimes happens, after a woman has safely delivered her child, that the womb drops because of some desire or wish that she has to relieve herself. I have seen this happen to some women, among them a well-born lady, who, in straining to pass a motion (two hours after giving birth), was astonished when her womb fell out between her thighs. And when she called the nurse  and some women who were present  to help her, they thought it was an aborted product of conception which had remained from her delivery, and because of this view they pulled on the womb a number of times. But as the lady complained of the extreme pain they were causing her by pulling on the womb, she summoned a midwife. This midwife was of the same opinion as the nurse, assuring her it was an aborted product of conception that had to be pulled out. But because the lady was frightened of suffering the same pain as she had just done, she wisely sent for myself and Madame La Charonne, a very experienced midwife.  After observing and judging that it was the womb, and that far from pulling on it, we needed to put it back, this was done as follows. First the womb was very gently bathed with a mixture of a little wine and warm water, then, with a warm cloth which had been soaked in this mixture, it was gradually pushed back in.  And this was achieved very easily and occasioning little pain. I have included this story to warn the young surgeon to look closely to see what part comes out of this place, so that he is not misled or mistaken.
 

24) Guillemeau et une sage-femme avisée savent distinguer entre un prolapsus utérin et la sortie du placenta

Guillemeau raconte cet épisode – comme beaucoup d’autres – pour mettre en garde le jeune chirurgien. Les dangers pour la parturiente ne s’arrêtent pas avec l’expulsion du fœtus, on le sait, car les heures suivantes peuvent être mortelles, comme dans le cas d’un prolapsus utérin. Guillemeau expose finement le contraste entre la garde d’accouchée et la première sage-femme qui sont ignorantes - et donc qui mettent en péril la vie de la mère - et lui-même, accompagné d’une sage-femme ‘fort expérimentée’. De nouveau, l’expérience médicale du chirurgien l’emporte sur les idées populaires.

p. 424

Il arrive quelquesfois peu après que la femme sera heureusement accouchée, et delivrée, que la matrice tumbe, pour quelques esprintes qui surviendront à l’accouchée, ou pour quelque volonté qu’elle aura d’aller à la garderobbe : comme j ‘ay veu advenir à quelques femmes et entre autres à une honneste Damoiselle : laquelle en s’exprimant pour aller à ses affaires (deux heures apres s’estre accouchée) fut estonnée que sa matrice  luy tumba entre les cuisses. Et comme à son secours elle appelle la Garde et quelques femmes qui luy assistoient, eurent opinion que c’estoit un faux germe qui estoit demeuré de son accouchement, et sur ceste creance elles tirerent par diverses fois ladite matrice : mais comme ladite Damoiselle se plaignoit de l’extreme douleur qu’on luy faisoit en luy tirant ladite matrice, fit appeler une Sage-femme qui fut de mesme opinion que sadite garde, l’asseurant que c’estoit un faux germe qui ne demandoit qu’à sortir, et estoit necessaire de le tirer [.] Mais pour la crainte qu’elle avoit de recevoir telles douleurs comme elle avoit fait par le passé, elle (sage et advisée) m’envoya querir et Madame La Charonne, Sage-femme fort experimentée. Ou apres avoir remarqué et jugé, que c’estoit la matrice, et qu’au lieu de la tirer, il estoit necessaire de la remettre, cela fut fait  en ceste sorte. Premierement ladite matrice fut doucement fomentée avec un peu de vin et d’eau tiede, puis avec linge chaud trempée en la susdicte liqueur petit à petit repoussée en dedans, ce qui fut fait fort facilement et avec peu de douleur[.] J’ay mis ceste Histoire pour instruire le jeune Chirurgien, afin de regarder diligemment, quelle partie peut sortir d’un tel endroict, et ne s’y abuser ny tromper. 

 

25) Guillemeau repairs a perineum torn in childbirth

This episode is interesting on two accounts. It describes how Guillemeau repairs a seriously torn perineum, but it also details the precautions he recommends to the woman to protect her in her next labour. The good professional relationship between the midwife and the surgeon is shown in her attention to his advice, including – again – the need to be as gentle as possible.

p. 427

It sometimes happens that the perineum splits all the way up to the anus, and that there is no division left between the entry to the vagina and the rectum or anal passage. I have seen this happen, and if it is not treated, the two sides of the tear will heal over in such a way that the two holes or passages remain fused together. In order to correct this, having been called when the woman was pregnant, I advised her to wait until she had given birth, which she did. And when she was delivered, after six weeks she sent for me to treat her, and I acted as follows. […]

 

This split was successfully put right within two weeks, during which time I gave her two enemas, as well as having given her another one before the operation in order to allow her to pass the contents of her bowels more easily. But when she became pregnant again, as she was in labour about to give birth, a new split developed near the scar, but it did not extend as far as the anal passage, since the midwife very carefully eased it and treated it gently. I had advised her first to use oil on it and to apply a lubricant to the whole area of the perineum.

25) Comment Guillemeau répare un périnée déchiré par l’accouchement

Cet épisode nous intéresse non seulement pour la description de la façon dont Guillemeau répara un périnée gravement déchiré, mais également pour les précautions qu’il préconisa pour l’accouchement suivant, afin de protéger le corps maternel. Nous entrevoyons les bons rapports entre chirurgien et sage-femme, celle-ci acceptant les consignes de celui-là, dont – de nouveau – le besoin d’agir le plus doucement possible.

p. 427

Il arrive quelquesfois que tout le perineum, ou entrefesson, est fendu jusques au siege, et que l’entrée de la nature de la femme, et le conduict, ou trou du siege, se mettent en un. Ce que j’ay veu advenir : et faute d’y remedier, les deux costez de la fente s’estans cicatrisez, les deux trous, ou conduicts, sont demeurez en un. Pour à quoy remedier, et estant appellé (la femme estant grosse), je luy conseillay d’attendre son accouchement, ce qu’elle fit : et comme elle fut delivrée, six semaines apres, m’ayant mandé pour la traicter, j’y proceday de ceste façon. […]

 

Telle fente fut guerie en quinze jours heureusement, durant lequel temps je luy fis donner deux clysteres, sans le premier qu’elle print devant que faire l’operation, afin de luy faire rendre plus facilement ses excremens. Mais devenant grosse, proche de la cicatrice, lorsqu’elle estoit en son travail pour accoucher, il se fit une nouvelle fente, laquelle toutesfois ne donna jusques au trou du siege et fondement, ayant esté fort dextrement soulagée, et doucement traictée par la sage-femme. Je luy avois conseillé premierement de l’oindre et frotter tout l’entrefesson et perineum d’un tel liniment.

 

26) Guillemeau drains the waters before a delivery

Guillemeau goes through certain common disorders in pregnancy, including here the case of a woman who had too much amniotic fluid. The surgeon – with the approval of the King’s physician (and the Queen’s physician) – drains the waters before the birth, which then follows successfully. It is the good medical and surgical advice at the right time which ensures this happy outcome.

p. 531

There are some women whom Hippocrates calls ‘Watery’ because of the great quantity of clear waters they lose, like those of a fountain […]. Those who are prone to such a delivery complain of a weakness and languor, and when the waters pour out suddenly, as sometimes happen, they have to drink a glass of wine. This happened recently to a well-born lady who was being treated by Monsieur Seguin, the King’s physician and Professor, and myself.  A week before she gave birth, without experiencing any pain or contractions, over several days she lost more than four or five pints of clear liquid, but this did not come from inside the womb where the child was. I knew this because the mouth of the womb was tightly sealed, as were the venules of the vaginal passage from the womb. At the end of the week, she gave birth successfully, with little loss of bloody lochia, and during the three weeks she was lying-in she passed only clear waters like those of a fountain. It should be noted that during her other pregnancies the labia of her vulva had been so swollen and full of water, as well as her thighs and the sides of her abdomen, that you would have thought she had two watery hernias. On account of the trouble this gave her in walking, as well as the fear that she would not be able to give birth easily, and the extreme tension she felt, I advised her, as did Monsieur Martin, the Queen’s physician, to allow me to lance them, which I did and treated them […].

26) Comment Guillemeau évacue les eaux avant un accouchement

Guillemeau passé en revue certains états pathologiques de la grossesse, dont ici le cas d’une femme qui avait une trop grande quantité de liquide amniotique. Les soins du chirurgien, sanctionnés par le médecin du roi (et une seconde fois par le médecin de la reine), permettent d’évacuer les eaux avant l’accouchement, qui se déroule heureusement. Ce qui importe surtout, ce sont les bons conseils médicaux et l’intervention chirurgicale effectuée à temps.

p. 531

Il se trouve des femmes lesquelles sont nommées par Hippocrate du mot d’Aqueuses, pour la grande quantité d’eaux claires comme celles de fontaine qu’elles vuident […] Celles qui sont subjectes à tel accident et decoulement, se plaignent d’une fadeur de cœur accompagné[e] de quelque lascheté, et sont contrainctes, lorsque telles eaux sortent à coup, comme il arrive quelquesfois, de prendre un peu de vin, sinon elles tomberoient en foiblesse et defaillance de cœur, ce qui est arrivé depuis peu à une honneste Damoiselle, laquelle Monsieur Seguin Medecin ordinaire du Roy, et son Professeur, et moy, avons traicté ensemble. Laquelle huict jours devant que d’accoucher, sans avoir aucune douleur, ny trenchées, vuida par divers jours plus de quatre ou cinq pintes d’eau claire, telle eau ne couloit du dedans de sa matrice, où l’enfant estoit residant : comme je recogneus, pource qu’elle avoit  le col interieur fort et exactement fermé, ains des venules qui sont au col exterieur d’icelle. Apres que les huict jours furent expirez, elle accoucha heureusement, avec peu de vidanges sanguinolentes, et durant les trois semaines de sa couche ne jetta autre chose que des eaux claires semblables à celles des fontaines, et faut noter que durant ses autres grossesses elle avoit les levres de sa nature tellement enflées, et plaines d’eau, ensemble tous les flancs et costez du ventre, que l’on les eust jugez estre deux hargnes aqueuses, et pour l’empeschement qu’elles luy faisoient de marcher, comme pour la crainte qu’il y avoit de ne pouvoir accoucher commodement, et pour l’extreme tension qu’elle sentoit, je luy conseillay, comme fit Monsieur Martin Medecin de la Royne, de me permettre de les ouvrir, ce que je fis, et les traictay […].
 

 

27) A woman gives birth to a child and a mole at the same time

Like most of his contemporaires, Guillemeau is very interested in false pregnancies, or moles, i.e. lumps of flesh which seem to resemble a foetus but are in fact inanimate. In this case, what surprises the surgeon is that the woman gives birth on the same occasion to both a child and a mole.  Unusually, the mother is aware of her anomalous pregnancy, and the medical experts simply have to allow nature to take its course.

p. 598

[…] for there are some women who carry false products of conception in each pregnancy. Amongst these, Madamoiselle Bragelongne provides us with a perfect example. When pregnant with her second child, she assured me that she had a mole, as she had during her first pregnancy. She recognised it by a hard swelling on her left side, near her lower ribs, where she felt a great pain, and it caused even her ribs to protrude. And after giving birth to her child she did indeed expel a mole at least the size of a fist. Before this, her abdomen was swollen, she experienced pains and gurglings around her navel and in her lumbar region, and she often suffered contractions as though she were about to give birth, as nature strove to expel and rid itself of what was unnatural.

 

27) Une femme accouche d’un enfant et d’une môle à la même occasion

Comme la plupart de ses contemporains, Guillemeau est fort intéressé par les occurrences de ‘faux germes’ (ou môles), ces masses de chair qui ressemblent à un fœtus mais qui sont en fait inanimées.  Ce qui frappe le chirurgien dans le cas cité ci-dessous, c’et le fait que la femme accouche à la fois d’un enfant et d’une môle. Par ailleurs, c’est la mère elle-même qui reconnaît son état pathologique ; il suffit que le corps médical laisse s’accomplir le processus naturel.

p. 598

[…] car il se void des femmes, lesquelles en chaque grossesse ont des faux germes; entre autres Madamoiselle Bragelongne nous en a donné une preuve suffisante. Estant grosse de son second enfant, elle m’asseura qu’elle avoit un faux germe, pour en avoir eu en sa premiere grossesse : ce qu’elle recognoissoit par une dureté qu’elle avoit au costé gauche, proche des fausses costes où elle sentoit une grande douleur, mesme ses costes en estoient comme forjettées, et de fait en jetta un apres estre accouchée de la grosseur du poing, et plus, mais devant que le rendre, son ventre estoit enflé, avoit des douleurs et gourgouillemens autour du nombril, et vers les lumbes, elle estoit souvent travaillée de tranchées, comme si c’eust esté pour accoucher, nature s’efforçant à jetter et mettre hors ce qui luy est contre nature.
 

 

28) A child is injured during a difficult delivery

In his second volume, dedicated to paediatric  care (On the Feeding and Care of Children, from the Time of their Birth), Guillemeau includes one last birthing tale, explaining to young surgeons how to treat a child  who has been injured by a difficult delivery. Through remedies which he cleverly puts together, he is able to save a child who would not have been expected to survive. This happy outcome is a fine note on which to end these extracts from the work of a surgeon whose long career was dedicated to the art of safe deliveries.

p. 833

Various accidents may befall the baby as it comes out of the mother’s womb. The strain of the birth causes bruising and injuries to some, whether to the head or other parts of their body, for example injuries or fractures of the arm, or the leg or the thigh. I  have seen this result from difficult births. The last two cases should be treated by setting the bones back in the right place, whether they are misplaced or fractured, and then bandaging them and keeping them in place until they are safely healed.

 

As far as the injuries are concerned, if they affect certain parts of the body, we need to treat them with a mixture infused with roses and a few camomile flowers and sweet clover; then soak a bandage in a mixture of oil of roses and  St John’s wort. Madamoiselle Maheu gave birth to a child that was so injured that you would have thought it were dead, it was so black. I treated it with these remedies, and it was successfully cured.

28) Un enfant meurtri par un accouchement difficile

C’est dans le cadre de conseils sur la puériculture (dans le volume De la nourriture et gouvernement des enfans, des le commencement de leur naissance) que Guillemeau évoque un dernier récit de naissance, en exposant au jeune chirurgien la façon de traiter un enfant meurtri par un accouchement difficile. Grâce à des remèdes savamment concoctés, Guillemeau a réussi à sauver un enfant dont on aurait désespéré. Belle histoire optimiste pour clore cette contribution de la part d’un chirurgien qui s’est voué, tout au long de sa carrière, à l’art de l’heureux accouchement.

p. 833

Plusieurs accidens arrivent souvent aux petits enfans sortans du ventre de leur mere : Aucuns par l’effort de l’accouchement reçoivent quelques contusions et meurtrissures, soit à la teste, soit à d’autres parties de leur corps, comme quelques [douleures] ou fractures de bras, ou de jambes, ou cuisses : Ce que j’ay veu advenir  par la difficulté d’accoucher. Aux deux derniers il faut y remedier, en remettant les os en leur place, soit qu’ils soient démis ou fracturez, puis les bander et contenir en leur estat, tant qu’ils soient bien asseurez et repris.

 

Et pour le regard des meurtrisseures, si elles sont en quelques parties du corps, il faudra y faire quelque petite fomentation, avec decoction de roses, et un peu de fleurs de camomille, et de melilot : puis y faire un liniment avec huyle rosart et d’hypericum meslez ensemble. Madamoiselle Maheu accoucha d’un enfant si meurtry, que l’on l’eust jugé pour estre mort, tant il estoit noir. Je le traictay avec les susdits remedes, et heureusement guerit.